La Caverne d'Henri


LA CAVERNE DE L’ARC DE TRIOMPHE

Sylvain Leser photographies / Haytham Pictures


C‘est une régression à l’âge des cavernes qui se déroule sous l’Arc de triomphe de Paris.

Sous la plus belle avenue du monde, dans ce long tunnel qui traverse l’avenue des Champs-Élysées jusqu’à celle de la Grande Armée, c’est un lieu sans lumière et sans eau, des plus sordides et ténébreux qui soit. C’est là que vit Henri, complètement démuni et depuis plus de quatre ans, dans le bruit, la poussière des moteurs et des freins.

L'endroit est lugubre et infernal, d’une insalubrité rare, l'odeur y est insoutenable.
Ce tunnel semble être l’antichambre de la mort.

L’allure de ce personnage est biblique. Il ne possède rien, aucune affaire et d’ailleurs je crois qu’il n’en veut pas vraiment. Il passe ses journées et ses nuits jonché à même le sol, vivant quasiment nu devant son créateur et, pour ainsi dire, dans ses excréments. La nuit, il sort fouiller dans les poubelles en quête de nourriture.

Cet homme d’origine libanaise qui aujourd’hui va pieds nus était couturier. Il a quitté son pays entre 1984 et 1985. Il ne parle quasiment plus et n'a plus vraiment la notion du temps qui passe. Il me dit qu'il a 43 ans et qu'il est né en 1959 ; quelque chose ne colle pas, en plus des centaines d’excréments tout autour de sa couche, de ses pieds esquintés qu’il me montre. Sait-il qu’il témoigne ? Il semble conscient de son état, et ne demande rien. Malgré sa terrible pauvreté, Henri est un clochard lumineux de gentillesse.

Ce sont des retrouvailles en fait. J’avais rencontré Henri l'hiver dernier, il y a un an tout juste, avenue Marceau, le trouvant déjà presque nu sur une grille d’aération servant de séchoir et de chauffage. Son histoire est connue jusqu’à Nanterre. L’un des médecins associé à la fondation du Samu social me l’avait décrit mais je n’avais pas fait le rapprochement à l’époque avec cet homme que j’avais croisé. Puis, je l’ai perdu de vue.
Ce soir, je l’ai retrouvé dans la nuit, en haut des Champs-Elysées. Nous nous sommes reconnus. Cet homme est l’un des sans-abris parisiens rencontrés qui fait sans doute partie du "Top Ten" de la grande précarité, tant son état de clochardisation est avancé.

Devant ces scènes de tréfonds, je me demande ce qui se joue humainement parlant pour cet homme ayant sans doute perdu la raison et souffrant d’une immense misère.










The cavern of the Arch of Triumph

Sylvain Leser photographies / Haytham Pictures

It’s like a return to the age of the caveman which is taking place under the Arch of Triumph in Paris.
Under the most beautiful avenue in the world, in a long tunnel which stretches from the Avenue des Champs Elysées across to the Avenue of the Grande Armée, is a place without light and without water, so dark and so sordid. For more than four years, this is where Henri lives, deprived of everything, in the noise, the dust of engines and the screeching of brakes.
The place is lugubrious and hellish; exceptionally unhealthy, the smell there is dreadful. This tunnel seems to be the anti-chamber of death.

He looks like a biblical character. He truly has nothing to his name; furthermore, I think he doesn’t want anything. He spends his days and nights lying on the ground, practically naked before his creator, living amongst his excrements. At night, he goes out to search for food in the trash.
This man of Lebanese origin used to be a dressmaker and today he goes around barefoot. He left his country between 1984 and 1985. He hardly speaks anymore and he no longer has a notion of time. He says to me that he is 43 years old and that he was born in 1959. And nothing seems to fit except hundreds of pieces of excrement stuck everywhere around his “bed”. His feet are damaged, he shows them to me. Does he know that he testifies? He seems aware of his state and yet asks for nothing. Despite his poverty, Henri is a kind and gentle vagabond.
It was a reunion of sorts. I had met Henri last winter, just one year ago, on Avenue Marceau, finding him already almost naked, on a railing of aeration serving to get dry and to get warm. His story is known all the way to Nanterre. One of the founders of the emergency social & medical service had described him to me, but I hadn’t made the connection with the man that I had met. Then, I lost sight of him. Tonight I found him on top of the Champs Elysées, and we recognized each other. This man is one of the homeless whom I met who is without doubt a member of the "Top Ten" of the most precarious, so much his state of homelessness has degenerated.

Before these dark and devastating images, I wonder what is playing humanly speaking for this man who has undoubtedly lost his reason and is immensely suffering.